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PENSER COMME DIEU

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Mc 8, 27-35

La grande question : Pour toi, qui est Jésus ?

En Mc 7-11 nous pouvons reconstituer (toujours sous réserves) un itinéraire de Jésus de profonde signification. Selon Marc, Jésus prêche en Galilée (2-7), passe par la Phénicie (7,24-8), revient en Galilée, aux environs du Lac (8 et 9) et se met à parcourir la Galilée, alternant prédication et guérisons, mais « il voulait que personne ne le sache » (9,30).

A partir de là, commence une « montée à Jérusalem », passant par Jéricho (10,46), par Betphagé et Béthanie, jusqu'à parvenir à la ville (11 et ssq.) où s'achèvera sa vie mortelle.

Cet itinéraire extérieur est le reflet d'un « itinéraire intérieur », motivé par la réaction des gens de Galilée et la propre conscience messianique de Jésus. Il s'est produit la crise de Galilée, l'éloignement des gens et de quelques-uns de ses disciples, reflétée en Marc et plus crument en Jn 6.

Cet éloignement a lieu parce que Jésus déçoit à dessein l'espérance messianique telle qu'elle se présentait chez les gens, encouragée par l'interprétation officielle des leaders religieux. Jésus cesse de se montrer aussi généreusement qu'auparavant, esquive la popularité, se consacre à l'intense endoctrinement religieux de ses disciples et se met à assumer la conviction profonde que son destin est de monter à Jérusalem pour y être mis à mort du fait de l'opposition radicale des chefs du peuple.

Voilà le contexte du passage que nous lisons aujourd'hui. Y apparaît la question clé : « Qui est cet homme ? ». La réponse montre les opinions, inacceptables également, des gens, et l'opinion des disciples, exprimée par Pierre : Jésus est le Messie. Mais sa notion de Messie est incompatible avec le rejet et encore bien moins avec la mort sur la croix.

Pierre exprime son opposition complète à cette notion de Messie et Jésus réagit violemment aux paroles de Pierre, l'appelle Satan et l'accuse d'avoir une idée du Messie qui ne vient pas de Dieu mais de convenances humaines.

L'évangile de Marc profite de la situation pour mettre sur les lèvres de Jésus quelques maximes morales sur la croix et la négation de soi.

 

REFLEXION

Jésus, le Messie qu'on n'attendait pas, le serviteur souffrant qui porte les péchés du peuple, avec les péchés du monde. Difficile à accepter pour tous, y compris Pierre, que Jésus appelle « Satanas » parce qu'il pense comme les hommes et non comme Dieu.

La violence avec laquelle Jésus réagit aux paroles de Pierre est surprenante. Nous connaissons mieux ces paroles par la rédaction de Mathieu (16,22) : « Dieu t'en préserve, Seigneur ! Cela ne t'arrivera pas ». Et Jésus le rejette comme tentateur : « Tu veux me faire tomber ». On peut interpréter ces mots comme le reflet d'une vraie tentation de Jésus, la présence durant sa vie des tentations symbolisées dans quarante jours au désert (« je te donnerai tous les royaumes de la terre... », tentation de pouvoir, de messianisme davidique extérieur).

La réaction de Jésus en Jn 6,15 peut s'interpréter dans la même ligne, la refuge dans la prière, sur la montagne, lui seul, comme dans les grandes occasions et difficultés de sa vie.

Quoiqu'il en soit de cette interprétation, il est indubitable que cette physionomie religieuse a été et demeure une tentation profonde pour les personnes et pour l'Eglise. Mais c'est une tentation totale, pas une simple offre idolâtrique proposant ouvertement de « servir un autre Dieu », mais le mal offert « sous l'apparence du bien » comme devait le dire Ignace de Loyola, et pour cette raison plus terrible encore.

La tentation se présente sous de multiples aspects, mais tous découlent de ce que Jésus détecte chez Pierre : « Tu penses comme les hommes, pas comme Dieu ». Il y a une façon humaine de concevoir la vie et la religion, et il y a une Parole qui introduit des critères nouveaux, bien souvent incompatibles avec ceux qui sont purement humains.

Ainsi, comme si souvent dans l'évangile, cette situation historique est l'image d'une confrontation religieuse permanente dans l'humanité (institutions et personnes). Le règne du Messie vu comme un règne extérieur, incluant politique, prospérité et splendeurs cultuelles ; le royaume des cieux comme conversion manifestée dans les œuvres.

Sauver sa vie ; perdre sa vie. Le Messie triomphant, Jésus crucifié. L'Eglise qui triomphe comme l'unique médiatrice entre Dieu et les hommes ; l'Eglise qui sert, souffrante en silence... Deux mondes, deux messianismes, deux mentalités, deux religions. L'une d'elles est celle de Jésus ; l'autre est celle qui a tué Jésus.

Cette même mentalité qui a tué Jésus est celle qui peut tuer l'Eglise, et celle qui peut faire que notre vie soit perdue. Le dernier paragraphe de l'évangile d'aujourd'hui l'exprime avec une clarté radicale :

« Celui qui veut venir avec moi, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. Voyez : celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perd sa vie pour l'Evangile la sauvera ».

Ce dernier paragraphe n'est pas un ajout artificiel, mais une application intelligente et précise. Aujourd'hui, pour nous, elle signifie le dilemme entre sauver notre façon de vivre, notre manière occidentale de comprendre Jésus, notre conception du culte, du temple, de la hiérarchie, de l'Eglise...sauver tout cela ou le perdre entièrement pour l'Evangile, pour la Parole. Et la radicalité quelque peu bouleversante qui la fonde, en prenant les mots de Jésus à Pierre :

- « Tu penses comme les hommes, pas comme Dieu ! »

Penser comme Dieu ! Y a-t-il quelque chose de plus judicieux que de penser comme Dieu ? Penser comme Dieu pour sauver sa vie, pour la rendre plus utile et surtout plus heureuse. Et à l'inverse, ne pas penser comme Dieu, chercher un autre guide, confier en d'autres critères. Danger terrible, risquer de perdre sa vie, se tromper de route.

La violence de la réponse de Jésus à Pierre nous fait penser que Jésus aussi devait faire effort pour « penser comme Dieu », voire qu'il était même tenter de penser selon d'autres critères et valeurs ...et qu'il s'agit là de l'obligation la plus importante de toute vie humaine.

Mais comment pense Dieu ? Voilà pourquoi Jésus est là, précisément, pour que nous puissions voir de nos yeux, presque toucher de nos mains, dirions-nous, ce qu'est un homme qui pense comme Dieu.

Le problème est que dans notre christianisme-catholique-occidental-consumériste-cultuel, si l'évangile est là, si Jésus est présent, il y a aussi beaucoup de messianisme davidique, beaucoup de « dieu pour nous », beaucoup de « peuple privilégié », beaucoup d'enfermement de Dieu dans nos concepts sans discussion.

Et au plan personnel, il y a beaucoup le désir que la Parole ne vienne pas changer ce que nous considérons comme vie religieuse, qui consiste en résumé à maintenir le plus possible les idéaux du monde (qui ont peu à voir avec « penser comme Dieu ») sans mettre en danger la vie éternelle.

Au risque d'entrer en des interprétations trop concrètes nous pourrions signaler des aspects du culte qui nous semblent dériver de cette tentation. Je pense que l'Eglise et les chrétiens d'aujourd'hui connaissent les mêmes tentations (et péchés...) qu'Israël...et de Jésus lui-même.

Mais savoir ne suffit pas, penser ne suffit pas. Inutile de savoir le chemin si on passe ailleurs. Ici, la lettre de Saint Jacques tombe bien. La foi sans les œuvres, c'est savoir comment pense Dieu et ne pas en tenir compte. Est-ce notre situation ?

Au niveau institutionnel la Bible présente Israël comme la victime et le coupable d'une APPROPRIATION DE DIEU. « Le Dieu d'Israël ». Et toutes les nations devront accepter le Dieu d'Israël et en conséquence, accepter Israël comme Peuple Choisi, entonnoir par où passer pour arriver à Dieu.

Il faut accepter Dieu comme Israël le présente. Israël est le seul qui connaît Dieu, parce que c'est le seul à qui Dieu se soit révélé : les autres peuples devront connaître Dieu à travers ce qu'Israël leur dira de Dieu. Israël est le grand intermédiaire cultuel : tous les peuples devront adorer Dieu à Jérusalem et dans son temple, selon les rites et à travers les prêtres d'Israël.

Et tout cela fondé sur l'infaillibilité de la Parole de Dieu. Tout ce qu'il y a dans la Loi et les Prophètes est Parole infaillible de Dieu, et en consaaaaaaqéquence donne à Israël une sécurité absolue et en fait le privilégié parmi toutes les nations. L'application à nous autres Eglise, est évidente.

Au niveau personnel, la religion officielle d'Israël se montre dans la Bible, et tout spécialement dans la spiritualité des pharisiens et des lettrés qui s'affrontent avec Jésus, comme une spiritualité de strict accomplissement de préceptes, en vue d'une « justice devant Dieu ». Les préceptes comprennent l'aumône, mais avec l'idée que celui qui fait l'aumône est plus parfait, car accomplissant un devoir ordonné à la justice propre.

Rien de cela n'a à voir avec les colonnes de base du « Royaume ». Le nouvel Israël sera levain dans la pâte du monde, la faisant fermenter depuis l'intérieur, et non par soumission. Dieu lui-même et sa Parole sont levain et sel ; le Dieu éternel tout puissant et juge se présente comme aliment pour la vie du monde.

Le Samaritain qui aide son prochain et le centurion qui supplie avec foi sont donnés en exemple aux enfants d'Abraham, observateurs de préceptes. « Nous sommes les enfants d'Abraham – Ce temple est le Temple du Seigneur » sont des expressions d'orgueil que Jésus rejette expressément. Je crois que nous avons des motifs – en ce moment plus que jamais – pour une longue méditation sur nos péchés si semblables à ceux d'Israël, eux qui ont tué Jésus.

 

POUR NOTRE PRIERE

Une fois de plus, nous sommes invités à aller à Jésus pour le connaître et le suivre, tel qu'Il est, en laissant tout le reste. Suivre le Christ pauvre et crucifié, à partir de la conversion personnelle, du service à tout le monde, sans pouvoir, sans rechercher la justice devant Dieu, sans se croire plus que quiconque, sans prétendre que notre métaphysique est capable de définir Dieu, reconnaissant la Parole de Dieu là où elle se fait entendre, à l'intérieur de l'Eglise ou non, la reconnaissant en ceux qui servent leurs frères avec un cœur compatissant et pas seulement en ceux qui font profession de concepts conformes à la norme, confirmés par la persécution, pas par le succès, semblables au grain de blé qui meurt pour qu'il y ait de quoi manger et pas au Grand Prêtre, intermédiaire sacré entre les hommes et Dieu.

Il faut sauver l'Eglise, personnes et institution, sauver sa vie en ne cherchant pas à la sauver, mais en la livrant pour la vie du monde. Ce qu'il faut donner, ce qu'il ne faut pas rechercher, c'est le prestige propre, le succès extérieur, la justice propre devant Dieu, le monopole de la Parole, la fonction d'intermédiaire sacré, le sentiment d'être des privilégiés, la préférence du dogme sur le service, la certitude tranquille d'être sauvés et d'être meilleurs que les autres par le fait d'appartenir à l'Eglise, la soumission de la Parole à nos modes culturels et à notre statut de vie occidental...

Ni l'Eglise comme institution ni chaque chrétien en tant que personne n'est sauvé pour être Eglise ou pour être chrétien : plus que personne, il ou elle est invité à suivre Jésus pauvre et crucifié, à renoncer à soi et à ne pas chercher sa vie, son succès, sa justice. Il n'y a qu'ainsi qu'on pourra être sel, levain, aliment pour la vie du monde, du monde entier qui est le destinataire du salut.

Ce dimanche nous propose une urgence : celle d'avoir le souci de nous mettre à changer de « manière de penser », soucieux d'assurer la vie et non de la gaspiller, d'en tirer parti, de rechercher le bonheur de la bonne façon. Et pour ça, le besoin urgent d'avoir Jésus comme référence de notre manière de penser et d'agir.

Voilà pourquoi, entre autres raisons, il est si important de ménager des temps pour contempler Jésus, pour lire l'Evangile, pour comparer mes façons d'agir avec les siennes. Nous qui disons suivre Jésus, il nous faut voir clairement quel chemin il emprunte, si nous voulons vraiment le suivre. Il est urgent pour tout chrétien de contempler Jésus, donner du temps pour le connaître. Sans cela nous le suivrons mal, parce que nous le connaîtrons mal.

 

José Enrique Galarreta

Traduction Maurice Audibert

 

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