À DONALD TRUMP
José ArregiJe sais que cette lettre n’arrivera jamais entre vos mains et que, même en imaginant que cela advienne par quelque curieux hasard, vous ne daigneriez pas la lire. Je ne vous écris pas parce que cela pourrait arriver ni pour que cela arrive, mais pour mon soulagement personnel, pour mettre des mots sur mon angoisse, pour joindre ma voix au cri de la Terre, pour soutenir la bannière de Greenpeace suspendue près de votre maison blanche : RESIST, oui, pour pouvoir résister.
Nous pensions que vous pourriez ne pas être celui dont nous avions peur, ou il nous arriva de dire que, au pire des cas, mieux valait votre insolente clarté que les postures calculées de la candidate démocrate, la favorite de Wall Street, des spéculateurs et de la grande presse. Durant huit ans, les charmes d’Obama ont tellement trompé les meilleures espérances du monde, que nous doutions que ce qui arriverait avec vous pourrait être pire.
Depuis, vos premières décisions augurent le pire pour le monde. Vous avez annoncé la construction d’un mur de 3000 km à la frontière avec le Mexique, de nouveaux murs pour diviser et séparer les riches des pauvres, les bons des mauvais. Et la construction de deux oléoducs de 4000 km, en acier exclusivement américain, pour amener le pétrole obtenu par fracking, et qu’importe s’il faut traverser le territoire ancestral des Sioux ! Qu’importent les frontières du respect à la Terre ! Vous avez toujours nié le changement climatique lié à l’action humaine et vous venez de nommer un négationniste connu à la tête de l’agence nord-américaine de Protection de l’Environnement, pour accélérer le désastre. Vous avez annoncé la réouverture des prisons secrètes de la CIA implantées sur le Globe. Vous avez défendu l’utilité de la torture pour déraison d’Etat. Vous vous êtes entouré d’assesseurs sionistes multimillionnaires et vous avez exprimé l’intention de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, pour raviver un feu qui anéantisse tous ses ennemis du Moyen Orient. Vous avez interdit l’entrée aux USA à tous les habitants provenant des « Etats musulmans » qui ne sont pas vos alliés politiques et économiques, comme si les états pouvaient encore être définis par une religion, et vous avez destitué immédiatement la Procureure Générale de votre pays pour avoir exprimé des doutes sur la légalité de la mesure et démontré ce faisant son respect pour la séparation des pouvoirs, base de la démocratie.
Cela suffit. Nous sommes stupéfaits, Mr Trump. Et honteux de ceux qui vous ont élu. Seul nous reste le douteux soulagement du « Pire, c’est mieux », car nous devrons penser que tant de malveillance réveillera la conscience des plus endormis, et que tant d’inhumanité ne pourra être appliquée, entre autre parce que ce qui est mal pour les uns l’est pour les autres, comme vous le saurez un jour. Et aussi, Mr Trump, pour les Etats Unis, même si 65% des citoyens se montrent satisfaits de vos premiers jours de gouvernement et si les indices du Dow Jones ont atteint leur maximum.
La terre clame. Ecoutez la clameur de la terre, des enfants qui pleurent, des réfugiés qui fuient la guerre, des émigrants qui fuient la faim. Ce sont les mêmes. Je ne vous le demande pas à cause d’un châtiment divin auquel je ne crois pas, mais pour le bien commun de la terre et de l’humanité entière. Pour le futur commun. Pour la beauté de votre pays, qui durant plus de 15 000 ans fut la terre d’autres ethnies, cultures et religions aujourd’hui disparues ou exterminées. Au nom de la mémoire du grand peuple américain, dont la plus grande majorité est composée de fils et filles d’émigrants et de réfugiés qui furent accueillis, d’esclaves noirs déportés, et aussi de conquistadors illégaux qui imposèrent leur loi. Au nom de la mémoire de votre grand-père qui arriva aux USA en 1885 comme chercheur d’or ; au nom de votre mère écossaise, au nom de votre père fils d’émigrants allemands, au nom de votre actuelle épouse slovène.
Au nom de votre conscience Au nom de la Bible sur laquelle vous avez prêté serment et dans laquelle il est répété à plusieurs reprises : « Si un étranger s’installe sur votre terre, ne l’opprime pas ; Que l’étranger soit chez toi comme l’un d’ici et tu l’aimeras comme toi-même, car vous aussi avez été étrangers en Egypte » (Lévitique 19, 34). Au nom de Jésus que vous avez dit reconnaître comme votre Seigneur et Sauveur, puisqu’il a dit : « Traitez les autres comme vous voudriez qu’ils vous traitent ; en ceci consiste la Loi et les prophètes » (Matthieu 7, 12), c’est-à-dire, tous les livres et prophètes inspirés, qu’ils soient ou non religieux. A cause de la Vie. Cela ne vous suffit-il pas ?
José Arregi
Traduction R-M Barandiaran